En des temps reculés, je vous avais promis un article sur le Suédois, le gus. En d’autres termes, un article présentant les différences culturelles que j’ai pu constaté entre mes compatriotes, i.e., les Français, et les autochtones des contrées boréales plus connues sous le nom de « Suède ». Laissez moi d’emblée vous prévenir quant à l’absence de photo(s) de Suédoises dans cet article. Et, au passage de fesses de nonne [1]. Sans plus attendre donc…
Le Suédois, cet être étrange
Le Suédois est, comme son nom le laisse supposer, l’habitant de la Suède. Jusque-là ça va. La légende (ou le cliché, comme vous voulez) lui prête généralement des cheveux blonds, une grande taille et un pragmatisme certain (on parle quand même des inventeurs d’IKEA). Ce n’est globalement pas foncièrement faux : les cheveux blonds sont majoritaires, les gens sont globalement un peu plus grands (en particulier ces dames) et ils sont TRÈS pragmatique, mais j’y reviendrai.
Le Suédois parle le suédois, une langue barbare qui a été le sujet d’un brillant article auparavant, je ne reviendrai donc pas sur le sujet. J’ajouterai simplement que, du fait de la grande importance de l’accent tonique, il n’est pas possible de parler très vite. Du coup, j’ai bon espoir de comprendre la langue de Nobel d’ici à la fin de l’année scolaire. Cependant, en plus du suédois, le Suédois parle anglais ; et quand je dis qu’il parle anglais, je veux dire que je ne parviens pas à différencier leur accent de celui d’un New Yorkais. Au passage, faites attention : si vous allez en Suède et qu’une mamie vous dit qu’elle « fera de son mieux » quand vous lui demandez si elle parle anglais, nul besoin de prendre des pincettes et pour cause, elle parle très probablement mieux que vous… Et je ne m’attarderai pas sur le fait que beaucoup de Suédois ont en plus le bon goût de parler français. Y compris les videurs à l’entrée des bars qui sont également aimables en plus d’être polyglottes : un vrai choc des cultures pour le Français que je suis !
Lorsqu’il attend le bus (à Gullmarsplan pour les connaisseurs), le Suédois fait la queue AVANT l’arrivée du bus. C’est assez perturbant la première fois.
Quand je dis que le Suédois est pragmatique, j’entends bien évidemment par là que tout est parfaitement réglé sur place : les bus sont à l’heure, les stations sont bien conçues, les handicapés peuvent se déplacer partout dans Stockholm sans le moindre problème, etc. Cela va cependant plus loin. Par exemple, lorsque je discute politique avec des Suédois, je suis surpris de constater que l’idéologie est presque secondaire pour eux ; ils pensent d’abord à leur intérêt. Du coup, ils hurlent à l’incohérence et au scandale [2] quand il est question d’empêcher les étudiants étrangers de rester travailler en France. Non pas au nom de la lutte contre la xénophobie (encore que) mais bien parce qu’un étranger apporte une certaine richesse culturelle, ce qui est toujours profitable, et surtout parce qu’il est important pour avoir de l’influence d’avoir une élite suédophile (ou, dans notre cas, francophile) à l’étranger.
J’ai également déjà évoqué la « nourriture » locale. Je préfèrerais ne pas en reparler [3].
Enfin, le Suédois est à la pointe de la technologie. Tout le monde a un smartphone dans le métro ; la connexion internet est de très bonne qualité et a été démocratisée bien plus rapidement qu’en France. Ainsi, j’ai eu une expérience d’internet dans ma jeunesse similaire à celle d’une Suédoise de sept ans mon aînée !
A Lyoner in Stockholm
(Parce que oui, π²/6 est un blog avec de la musique jazzy dedans et oui, je me considère plus comme lyonnais que comme annécien)
Plusieurs choses m’ont perturbé en ces contrées. En premier lieu, l’idée suédoise de la politesse : alors que le Suédois est très gentil quand on va vers lui pour lui poser une question, il ne se formalise pas de beaucoup de chose qui scandaliseraient un Français. Par exemple, en entrant dans un magasin, aussi petit soit-il, aussi faible soit le nombre des autres clients, pas besoin de dire bonjour. D’ailleurs, on ne vous le dira probablement pas et, de toute façon, personne ne dit « bonjour » en Suède. On dit « Hej ! », ce qui se traduirait plutôt par « Salut ! ». Bien que la langue suédoise permette le vouvoiement, personne ne l’utilise (à part probablement pour discuter avec le roi). Dans le même ordre d’idée, en plus de les tutoyer, on doit appeler nos professeurs par leur prénom et le fait qu’ils puissent être des sommités mondiales dans leur domaine n’entre pas en ligne de compte. En tant que jeune homme extrêmement bien élevé (mais oui mais oui), je trouve ça fortement perturbant !
Certes, ça n’a rien à voir avec le schmilblick mais que serait un article sur les Suédois sans une petite maison en bois rouge perdue dans la forêt ? Déjà que je ne parle ni de Krisprolls ni d’Abba, mon quota de clichés n’aurait jamais été atteint !
Bien évidemment, hors de question de faire la bise aux jeunes filles ; la distance (au sens strict) entre les gens est plus grande qu’en France. Il n’est d’ailleurs pas rare de ne pas même serrer la main des hommes. Entre amis proches néanmoins, les « hugs » [4] sont monnaie courante tout en restant relativement froids : on ne passe qu’une main dans le dos de l’autre et on ne s’éternise pas dans cette position. Puisque je parle de distance, notez au passage la régularité de la queue formée par les Suédois attendant le bus a Gullmarsplan et le petit mètre entre chaque personne.
Convictions politiques
La Suède est également réputée pour l’égalité de ses citoyens puisqu’elle a l’un des indices de Gini les plus faibles du monde. Cette égalité est très fortement implantée dans les mentalités et, de fait, les élèves n’ont pas de note avant leur 14 ans. Oui oui, 14 ans. Du coup, ils sont passablement pertubés par le système français des grands écoles et de leurs concours… Quant à leur expliquer le concept d’agrégation, n’y pensont même pas (notez que j’ai moi même du mal à le comprendre) ! D’ailleurs, il est aussi courant de voir une jeune mère pousser une poussette en se faisant malmener par d’autres enfants forcément braillards que d’observer un jeune père dans la même situation. En fait, la répartition des tâches ménagères est en moyenne vraiment équitable.
À KTH, j’anime tous les vendredi avec une camarade française une discussion informelle avec des élèves apprenant le français. À cette occasion, j’ai discuté avec une finlandaise vivant en Suède depuis un certain temps qui m’a expliqué que lancer un débat entre les étudiants pour les faire parler n’était pas une bonne idée. Et pour cause : selon elle, les Suédois n’ont pas d’opinions ! J’ai bien évidemment demandé des précisions. En fait, elle brocardait le fort penchant local pour la négociation : aucune décision n’est prise si tous les partenaires ne sont pas d’accord. Les Suédois sont par conséquent habitués à faire des concessions, d’où l’illusion d’une « absence de convictions ». « Jaha », répondis-je à cette explication, adoptant la coutume locale.
Conclusion
Voilà voilà, chose promise, chose due : un article sur cet étrange peuple. Vont suivre la suite également promise de ma série sur la cryptographie et une introduction à la Proof Complexity, un domaine de l’informatique théorique qui m’occupe beaucoup ces temps-ci !
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