Les Suédois étant toujours aussi peu nombreux sur le campus (contrairement aux Allemands, aux Espagnols et surtout aux Français), j’ai beaucoup de mal à réunir suffisamment de matière pour rédiger un article sur le Suédois, le gus. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, mais bref. Comme suggéré dans les commentaires par un historien perplexe devant le nom du présent site, je m’en vais de ce pas lancer la rubriques « les maths, c’est magique ! » de ce blog en répondant à la question qui a donné son titre à cet article : mais pourquoi π² / 6 ?
Déjà, π, c’est cool
Je ne vous ferai pas l’offense de prétendre vous apprendre que π désigne le rapport de la circonférence du cercle à son diamètre. Jusque-là, je pense que tout va bien. Mais ce nombre a plusieurs caractéristiques intéressantes.
π est irrationnel
Cela ne veut bien évidemment pas dire que π fait des mathématiques financières ou raconte à qui veut l’entendre que la fin du monde est pour décembre 2012. En maths, on appelle nombre irrationnel un nombre qui ne peut pas s’écrire sous forme de fraction. Par exemple, 3/7 est rationnel, tout comme 12 (qui s’écrit 12/1) ou encore 0,11111.. avec « une infinité de 1 »[1] qui s’écrit 1/9. π ne peut pas s’écrire sous forme de fraction, cela a été démontré au XVIIIème par Jean-Henri Lambert. On peut néanmoins s’en approcher autant qu’on veut pour peu que l’on ait à disposition une puissance de calcul suffisante. En effet, π est la limite de plusieurs série, c’est à dire qu’en ajoutant une « infinité »[1] de termes bien précis, on obtiendrait ce nombre. Même s’il est impossible de faire une telle somme, on peut l’approcher suffisamment en ajoutant un « grand nombre »[2] de ces termes. C’est notamment en ayant recours à de telles séries que l’on peut appliquer la formule de Machin[3] pour calculer autant de décimales que la puissance de calcul utilisée le permet.>
π est transcendant
Point de jugement de valeur ici, simplement une autre caractéristique mathématique. π n’est la racine d’aucun polynôme à coefficient entiers. « Fort bien» , me direz-vous, « mais cela ne me dit ni ce qu’est une racine ni ce qu’est un polynôme ». Remédions à cela.
Le rapport entre la transcendance divine et la transcendance mathématique ? C’est facile : il n’y en a aucun ! Notre ami bleuté l’aurait su s’il n’avait pas abusé de substances illicites néfastes (et lu cet article).
- Polynôme : on appelle polynôme une fonction[4] de la forme
P(X) = a0 + (a1 × X) + (a2 × X²) + (a3 × X^3) + … + (aN × X^N)
où a0, a1, a2, a3… et aN sont des nombres. Par exemple,Q(X) = 3,5 + 2×X + π×X²
est un polynôme. - Racine : Une racine d’un polynôme est un nombre qui l’annule. C’est à dire que si
P
est un polynôme etr
une de ses racines, alorsP(r) = 0
. Par exemple, 2 est une racine deP(X) = 2 - 3×X + X²
. En effet,P(2) = 2-3×2+2² = 2-6+4 = 0
.
Par exemple, la racine de 2 n’est pas transcendante puisqu’elle est racine de P(X) = 1×X²-2
et que 1 et 2 sont entiers.
Une fois ceci précisé, il devrait être clair que comme π est transcendant, on ne trouvera jamais de polynômes P
à coefficients entiers (c’est à dire pour lesquels les nombres a0,…,aN sont entiers) tels que P(π) = 0
.
On pourrait disserter sur π pendant des pages, d’ailleurs, wikipedia ne s’en prive pas. Mais intéressons-nous maintenant de plus près à « π² / 6 ».
Ensuite, π² / 6, ça l’est encore plus
Somme des 1/n²
J’ai parlé plus haut de série. Et bien π² / 6 est la limite vers laquelle converge une série : celle dite « des 1/n² ». En fait, si on additionne 1 (1/1²), 1/4 (1/2²), 1/9 (1/3²), 1/16 (1/4²),… On s’approche de plus en plus de π² / 6. Si tant est que cela ait un sens, on tomberait sur π² / 6 en ajoutant une infinité de ces termes[1]. Ce résultat, surnommé « problème de Bâle » a été trouvé par Euler, un de ces mathématiciens dont on trouve le nom partout puisqu’il a travaillé dans énormément de domaines, y compris en physique. Il doit se partager avec Gauss la moitié des noms de théorèmes de mathématiques et de physique ![5]
Euler, par Emanuel Handmann. Aurai-je moi aussi un beau chapeau quand j’aurai fini mes études ? Mystère…
La fonction zêta de Riemann
Les mathématiques sont loin d’être « terminées », il reste en effet beaucoup de problèmes non résolu à l’heure actuelle. L’un d’entre eux est le problème des « pôles de la fonction ζ de Riemann ». « Pôle » a ici un sens similaire à celui de racine dans le cas des polynôme : c’est un point en lequel la fonction s’annule. On pense à l’heure actuelle savoir grosso modo où ils se trouvent, mais cela n’a pas été démontré. D’ailleurs, si vous arrivez à le démontrer (ou à démontrer que ce qu’on croit est faux), vous êtes riche puisqu’il s’agit d’un des problèmes du millénaire. Résolvez-le et vous gagnerez un million de dollars ! Le rapport avec π² / 6 ?
ζ(2) = π² / 6
Et je veux ce million.
Conclusion
J’espère avoir été clair, n’hésitez pas à poser des questions dans les commentaires si des points sont obscures. J’espère aussi avoir montré pourquoi π² / 6 est un nom parfait pour ce site ! Demain, j’ai rendez-vous avec le responsable des mathématiques à KTH pour affiner mes choix d’options, je devrais donc bientôt savoir à quelle sauce je vais être mangé. Enfin !
[1] La notion « d’infini » est beaucoup plus compliquée qu’il n’y paraît et fait appel à celle de limite qui est également loin d’être triviale. Considérez ces contenus entre guillemets comme des simplifications pédagogiques 😉
[2] De plus, il existe des méthodes mathématiques permettant de connaître à l’avance une majoration de l’erreur en fonction du nombre de termes ajoutés. Cela signifie qu’avant même de lancer le calcul et sans connaître la « vraie » valeur de π, on peut savoir que notre calcul nous donnera par exemple les 10 premières décimales justes, la suite étant a priori (et de fait, sauf chance incroyable) fausse.
[3] Du nom de M. Machin. Oui oui, ce n’est pas un trou de mémoire de ma part, il s’appelait vraiment Machin !
[4] Les fonctions seront peut-être l’objet d’un article dans le futur. N’ayant aucune idée quant à l’éventuelle date de publication de celui-ci, vous pouvez consulter en attendant consulter la page de wikipedia.
[5] Wikipedia liste les théorèmes de Gauss mais n’a pas de page dédiée pour Euler. Ils n’en sont pas moins nombreux, croyez-moi !